I – VAE : quand la qualité d’accompagnement se heurte à la réalité économique
L’accompagnement VAE est un métier de l’ombre, souvent mal connu, qui repose sur une forte exigence de qualité… mais avec des contraintes économiques fortes. Si l’accompagnateur veut vivre de son activité ou si une structure veut en faire un vrai levier il lui faut composer avec plusieurs impératifs financiers parfois en tension avec le sens du métier.
Les accompagnateurs, notamment indépendants ou dans des structures sous-financées, sont souvent contraints de suivre un volume important de candidats pour assurer la rentabilité de leur activité. Cela peut conduire à :
- une standardisation des pratiques (modèles de livret, grilles-type, etc.),
- un temps d’échange réduit avec chaque candidat,
- moins de place pour le sur-mesure et l’approfondissement.
Beaucoup de dispositifs VAE (surtout publics) plafonnent les tarifs d’accompagnement, parfois à un niveau déconnecté du travail réel à fournir. Préparer un candidat à une VAE Bac +3 ou Bac +5 demande souvent plusieurs dizaines d’heures de travail, entre entretiens, relecture, reformulation, préparation à l’oral…Cela signifie que l’accompagnateur travaille à des tarifs horaires très bas s’il veut bien faire son travail.
Le coeur du métier, c’est la qualité : valoriser les parcours, prendre le temps d’écouter, ajuster les conseils, relire finement les écrits… Mais face à la pression économique, l’accompagnateur est souvent tiraillé entre faire “vite” ou faire “bien”.
Certaines structures en viennent à réduire l’accompagnement à sa plus simple expression : une réunion collective, un livret modèle, une relecture rapide. Cela peut suffire pour certains candidats, mais c’est souvent insuffisant pour les parcours plus complexes.
Une grande partie du travail est non facturée ou difficilement valorisable :
- recherches sur les référentiels,
- adaptation à chaque certification,
- gestion administrative, suivi des dossiers,
- formation continue personnelle…
Ce “travail de l’ombre” pèse sur la viabilité économique du métier, surtout pour les indépendants.
Il devient essentiel de repenser les modèles économiques de l’accompagnement VAE :
- en revalorisant les tarifs,
- en mutualisant certaines tâches (ressources sectorielles communes, plateformes partagées),
- en reconnaissant le temps invisible comme faisant partie du processus d’accompagnement.
En conclusion
Les impératifs financiers de l’accompagnateur VAE ne sont pas une simple contrainte de gestion : ils conditionnent la qualité du service rendu, l’investissement du professionnel, et in fine, la réussite du candidat. Pour préserver le sens et l’impact de la VAE, il est temps d’aligner exigence qualitative et reconnaissance économique.
II – Les limites de l’accompagnateur VAE généraliste : entre polyvalence et manque de spécialisation
La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) s’est imposée comme un levier puissant de reconnaissance des compétences professionnelles. Dans ce processus, l’accompagnement joue un rôle clé pour aider le candidat à analyser son expérience, structurer son dossier et se préparer à l’oral devant le jury. Si l’accompagnateur VAE généraliste peut sembler être une solution flexible et accessible, cette polyvalence peut aussi révéler certaines limites.
Le principal atout de l’accompagnateur généraliste réside dans sa capacité à intervenir sur une grande variété de certifications et de domaines. Toutefois, cette transversalité peut devenir un frein lorsque les exigences spécifiques de certaines certifications nécessitent une connaissance fine du référentiel, du vocabulaire métier, ou encore des attendus du jury.
Un candidat visant un diplôme dans un domaine technique ou réglementé (santé, bâtiment, industrie, etc.) peut rapidement se heurter à des conseils trop larges, voire inadaptés. Le manque de maîtrise des enjeux métiers peut alors nuire à la pertinence du récit d’expérience.
La réussite d’un dossier VAE repose en grande partie sur la capacité du candidat à faire le lien entre son expérience et les compétences décrites dans le référentiel. L’accompagnateur généraliste, non spécialiste du domaine ciblé, peut avoir des difficultés à :
- identifier les activités réellement stratégiques à valoriser,
- formuler les compétences de manière cohérente avec le référentiel,
- orienter le candidat sur les bonnes pratiques propres à un secteur.
L’épreuve orale est un moment décisif. Elle exige une posture professionnelle adaptée, une maîtrise des codes du secteur, et une capacité à répondre aux questions spécifiques du jury. Un accompagnateur généraliste, même compétent en méthodologie, peut avoir du mal à préparer efficacement le candidat à cette étape s’il ne connaît pas les attentes précises du jury du diplôme visé.
Le risque, à force de couvrir un large spectre de certifications, est de proposer un accompagnement trop formaté. Or, chaque parcours est unique, et l’exigence de personnalisation est d’autant plus forte que le processus VAE implique une introspection et une mise en récit fine de l’expérience. Le “prêt-à-penser” ne suffit pas.
Un accompagnement peu ancré dans la réalité du métier peut entraîner frustration, découragement, voire abandon. Le sentiment d’être mal compris ou mal conseillé compromet l’implication du candidat, et par ricochet, la qualité du dossier.
Le généraliste a toujours sa place ?… Oui mais pas seul
L’accompagnateur généraliste reste essentiel : il maîtrise les méthodes, sait guider la structuration du livret, accompagner la réflexion sur les compétences, et soutenir le candidat psychologiquement. Il est souvent un point d’entrée rassurant.
Mais à lui seul, il atteint vite une limite s’il ne peut pas s’appuyer sur :
- des ressources sectorielles ou métiers (référents, fiches techniques, retours de jury),
- ou un réseau d’experts pour co-construire un accompagnement plus ciblé.
Le modèle le plus efficace pourrait être un binôme ou un accompagnateur “à géométrie variable” :
- un socle généraliste pour la méthodologie, la structure, la stratégie,
- et des appuis spécialisés pour l’analyse fine du référentiel, les attendus du jury, le vocabulaire métier.
Cela rejoint l’idée d’un accompagnement “écosystémique” plus que d’un accompagnateur unique.
De plus en plus, les jurys sont attentifs à la précision du langage, à la compréhension des enjeux spécifiques au métier. Cela exige de l’accompagnateur qu’il aille au-delà de la forme pour toucher le fond. Une spécialisation (ou à minima une acculturation sectorielle) devient un gage de qualité.
En résumé : faut-il arrêter d’être généraliste ?
Non. Mais il faut enrichir le rôle du généraliste par des compétences ou des relais sectoriels.
Le futur de l’accompagnement VAE n’est pas dans l’abandon du généralisme, mais dans sa complémentarité avec une expertise métier.

Auteur
Pierre FOURNIER
Président de Vallière-Global Management Consulting
Certifié SKILITIA niveau 3 Accompagnateur VAE option RGPD